parlait comme les autres… Elle n’était qu’une pauvre petite passante aux yeux tristes, aux lèvres pâles… La cheika, elle, était unique !
Amina, indignée de cet examen insolent, s’exclama :
— C’est elle ! Nous ne te l’avons pas changée… Seulement elle a pleuré toute la nuit et maintenant son père va la tuer ! Tu entends, marchand de fèves de malheur ! elle meurt à cause de toi !
— Amina, allons-nous-en, supplia Nour-el-Eïn…
Habitué aux reproches et aux injures, Goha écoutait d’une oreille distraite et regardait passionnément les jolis bras de Yasmine. Celle-ci, prudente, s’écarta.
— Amina, tu es une sotte ! intervint la vieille Mirmah… Allons-nous-en, allons chez Abd-el-Rahman… C’est un saint homme et…
De nouveau, elle exposa tout au long de son idée. Les femmes s’éloignèrent.
Abd-el-Rahman habitait dans la petite ville de Boulaq, au bord du Nil, un palais immense et délabré. Il fallait pour y parvenir traverser le Khalig, l’Esbékieh et de vastes champs plantés de cannes à sucre et de maïs. Les femmes avaient hâte maintenant d’arriver et que tout fût consommé.
— Il nous suit, dit la Syrienne qui venait de se retourner.
— Qu’il nous suive, balbutia Nour-el-Eïn.
— Qui, il ? grogna Mirmah… Est-ce qu’il existe, il ?… Allons chez Abd-el-Rahman.