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— C’est moi que tu préfères, n’est-ce pas mes beaux yeux ?

— Allons, réponds… Tu veux monter dans sa chambre ou dans la mienne ?

Une grosse femme tenant par la main une fillette de dix ans, à coup d’épaule, se livra passage dans le groupe.

— Il est trop jeune pour nous, dit-elle… Vos peaux de grenouille le dégoûtent… Il veut une peau d’amandes et de pistaches… Voici, mon garçon. Goûte à ce canard et tu m’en donneras des nouvelles…

Elle poussa dans les bras de Goha sa fille, maigre, noiraude, petite et qui riait de ce rire gentiment criard des enfants amusés.

— Regarde, maman, il a peur, dit-elle en battant des mains.

Goha prit son âne par la bride et voulut poursuivre sa tournée. La ruelle était si étroite que la grosse femme la barrait à elle seule. Elle s’obstinait à ne pas se déplacer et Goha serait demeuré là jusqu’au soir si la silhouette d’un fellah n’était apparue au coin de la rue. Aussitôt les prostituées s’élancèrent vers le nouveau venu et le fils de Hadj Mahmoud put s’éloigner. Il buta contre une fille accroupie au pas de sa porte et lui écrasa les pieds. Elle se mit à hurler, puis se ravisa :

— Ça ne fait rien, murmura-t-elle en le saisissant par le bas de sa gallabieh, ça ne fait rien… Entre chez moi. Je ne te prendrai pas beaucoup.

Un peu plus loin deux jeunes femmes, assez