avait vingt ans quand il fut gradué maître aux voix unanimes de ses professeurs et de ses condisciples. Dans l’immense mosquée, il eut sa colonne. Bientôt, elle fut la plus entourée. On lui reconnaissait des dons exceptionnels pour l’exégèse. Parfois, rompant la calme ordonnance de ses cours, il se soulevait à demi et le bras véhément développait une interprétation fiévreuse. Son renom de croyant ne tarda pas à s’étendre. Cependant de plus en plus et sans que nul ne s’en doutât, il devenait la proie du mysticisme. Il passait des nuits entières à prier. Son visage s’émaciait. Souvent il demandait à des fakirs, pensionnaires d’El-Azhar :
— Qu’éprouvez-vous dans vos béatitudes ?
Les fakirs répondaient :
— Nous voyons Dieu.
Voulant voir Dieu, lui aussi, il étudia le soufisme en de longues et clandestines veillées. Il se sentit immédiatement en communion avec Omar-Ibn-el-Fared, Charamy, El-Héroui, Bestami, tous les Soufis, tous les mystiques éperdus condamnés par les chefs de la foi musulmane et il frissonna de peur quand il se surprit à admirer les mots pour lesquels Halladj fut brûlé vif : « Je suis la vérité ; quand tu me vois tu vois Dieu et quand tu le vois tu nous vois. »
Assoiffé de vie spirituelle, il imposait à son corps des flagellations. Il aimait ainsi que Gazzali à monter la nuit au haut des minarets ; isolé du monde, debout, au sommet de la mosquée, il fixait les étoiles.