lui tint dans la main une de ses longues oreilles. Il aurait voulu parler à cet être vivant, à ce frère subalterne destiné à partager son existence. Mais Goha ne parlait aux bêtes qu’avec prudence : il craignait de ne pas leur paraître assez clairvoyant pour un homme. Ne trouvant rien à dire, il répéta la phrase du matin :
— Toi, tu es un petit Goha.
L’animal pressait le pas : car malgré les manifestations d’amitié qu’il lui témoignait, son maître avait oublié de lui donner à boire et à manger. Les deux moutons galopaient en avant. C’est dans cet équipage que le fils de Mahmoud traversa la ville. Son âne et lui marchaient côte à côte ; parfois leurs prunelles, également vagues, se rencontraient et l’on sentait qu’un grand mouvement de l’être jetait l’une contre l’autre ces créatures simples.
Arrivé devant sa maison, Goha eut toutes les peines du monde à réunir son troupeau. Il dut tout d’abord courir après les moutons qui s’en allaient vers le désert. Les ayant ramenés, il s’aperçut que son âne qui l’avait suivi à l’aller ne l’avait pas suivi au retour. Il avait été retenu par quelques brins d’herbe sèche. Ne voulant pas lâcher les moutons, il les traîna chacun d’une main, mais parvenu jusqu’à l’âne il ne se trouva plus de main libre pour le saisir par le licol. Néanmoins, à force de cris, de manœuvres, de coups de bâton, il parvint à discipliner ses bêtes et à les introduire dans la cour. Hawa, Zeinab, Mahmoud accoururent pour connaître le résultat