— Pourquoi ? parce que tu es jalouse… Tu m’as laissée monter vêtue comme une mendiante… Regarde ! regarde ma gallabieh !… Elle est sale, déchirée… Moi, Nour-el-Eïn, la femme de Cheik-el-Zaki !
Sa voix avait des accents rauques et tremblait de colère.
— Mais c’est là-haut que tu t’es déchirée, balbutia Amina.
— Qu’est-ce qu’il a pensé de moi ? reprit Nour-el-Eïn sans l’écouter… Comme il doit me mépriser ! Jamais il ne reviendra, jamais !… Pour qui reviendrait-il ? Pour une mendiante ? Et quand je pense…
Elle courut à ses coffres, en retira des châles, des turbans, des tuniques de voile, des tuniques de soie, chatoyantes, ornées de fil d’or ou d’argent, qu’elle jeta pêle-mêle sur les divans, sur les tapis. À chaque parure, c’était la même mimique consternée et la même plainte :
— Tu vois ! tu vois ! J’aurais pu mettre ceci… J’aurais pu mettre cela…
Debout, devant une glace de Venise, Nour-el-Eïn passa la matinée à essayer l’une après l’autre toutes ses robes. Elle ne pensa ni à faire sa prière, ni à se laver. La pâte noire qui reliait ses sourcils s’était écaillée et balafrait son visage moite. Ses cheveux emmêlés se dressaient en touffes sur sa tête. Sur ses lèvres desséchées par la fièvre et qu’elle avait mordues, du sang s’était coagulé.
Avec acharnement, avec rage, Nour-el-Eïn voulait être belle. Elle ne songeait pas à Goha, elle ne songeait pas à séduire… Embellir l’image que