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se concentrait farouchement dans le besoin d’un mot suppliant. Et ce mot qu’elle réclamait devenait d’une importance gigantesque. Il perdait pour elle sa signification précise, il perdait même toute signification… Ce n’était plus qu’un son et ce son nécessaire à sa vie, elle s’acharnait, de toute sa volonté désespérée, à le tirer de l’être terrible et puissant, qu’en cette minute elle voyait en Goha.

Celui-ci soulevé à demi, demanda :

– Tu m’appelles ?

Sa voix était bizarre. Il semblait avoir été arraché d’un sommeil tout en songes. Elle ne répondit pas. Dans le court silence qui suivit, un voile se dissipa et ils furent étonnés d’être si près l’un de l’autre, d’être semblables.

– Tu m’appelles ? demanda-t-il pour la seconde fois.

Nour-el-Eïn répondit brièvement :

– Viens !

Inquiet, il se leva et enjamba les deux balustrades.

D’une main, elle lui saisit le poignet, de l’autre, elle lui pinça le bras sauvagement. Le buste incliné, la tête relevée, elle dévisagea son amant sans rien dire. Une lueur de haine brillait dans ses yeux et elle songeait à précipiter Goha par-dessus le parapet, dans la rue. Soudain, elle fonça sur lui et de son front dur lui laboura la poitrine. Goha se sentit reculer dans le vide. Il s’épouvanta du danger qui le menaçait et protesta.

– Hé là ! hé là ! pourquoi ? hé là !