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Il me suppliera et tu verras comme je serai dure… Ah ! c’est que je suis méchante quand il le faut… Montons, accompagne-moi !

Elles prirent un petit escalier qui partait du harem et gagnèrent la terrasse.

— Tu le vois ? dit Amina en étendant le bras.

— Descends, ordonna Nour-el-Eïn d’une voix dure, et la jeune esclave s’empressa d’obéir ayant remarqué un pli méchant sur le front de sa maîtresse.

Les deux terrasses étaient presque contiguës. La maison de Mahmoud-Riazy, en encorbellement comme la plupart des bâtisses d’El-Kaïra, s’avançait à son étage supérieur vers la demeure de Cheik-el-Zaki. Nour-el-Eïn se rendit compte aussitôt que Goha pourrait facilement la rejoindre.

Goha était adossé à un monceau de casseroles usagées et de cuves à lessive. Le ciel pur s’incurvait, piqué d’étoiles qui, dans la croyance du Simple, étaient des trous ouverts sur un monde incandescent et par où l’œil multiple d’Allah épiait les hommes. Les dômes, les terrasses, les minarets d’El-Kaïra se dressaient distinctement dans leur blancheur uniforme. C’était dans la clarté limpide de la nuit une succession de courbes, d’angles et de flèches d’une exactitude géométrique. Immobile parce que tout autour de lui était immobile, Goha se laissait aller à une douce béatitude. Il pensait à beaucoup de choses, sans s’en rendre compte, comme si c’était quelqu’un d’autre qui pensait en lui.

Rien ne lui échappait, ni le vol d’un oiseau, ni