soutien… Qu’est-ce que tu fais ici ? va travailler ! va, va travailler ! va travailler pour ton enfant !… Demain tu prendras l’âne et un sac de fèves et tu vendras des fèves… Va travailler !…
Goha sentait son être se contracter, se rapetisser, rentrer dans l’habituelle résignation.
— Comme tu voudras, dit-il. Je prendrai l’âne et le sac de fèves… Ne te fâche pas, Hawa, j’irai travailler…
La crise était passée. Fatiguée de ses contorsions, Hawa s’assit auprès de Goha. Ses yeux avaient terni. Dans son visage mou n’errait aucun sentiment, son front noir et son cou brillaient de sueur. Elle n’avait rien décidé, rien combiné pour atténuer son infortune. Son amant n’avait pas saisi la gravité du moment : la voyant s’apaiser, il avait cru que l’épreuve était terminée. Hawa se taisait comme si elle avait trouvé de quoi se rassurer. En réalité, elle s’était lamentée en vertu d’un principe : ayant offert le spectacle de sa détresse, elle était satisfaite. Quels que fussent les résultats de la scène, elle avait fait son devoir envers elle-même et son esprit était incapable de se maintenir plus longtemps dans l’idée abstraite de l’avenir. Elle posa le bras sur l’épaule de Goha et lui parla d’une voix adoucie :
— J’ai dit à Sidi Mahmoud de te donner un métier. Il m’a dit : « Hawa, il ne sait rien faire. » Je lui ai dit : laisse-le vendre des fèves. Alors, il a acheté le même nombre de sacs qu’il y a de doigts dans la main et, si Dieu le veut, demain, tu prendras l’âne et tu vendras des fèves.