— Qui est venu, dit-elle ?
— Ouvre, c’est moi.
— Bien, Sidi, je vais ouvrir.
Elle défit les loquets et livra passage à Goha, dissimulée derrière le vantail, les yeux baissés en signe d’humilité. Il s’installa sur un divan ; Hawa s’accroupit par terre en face de lui. Elle le surveilla, anxieuse de saisir son expression à la vue de son costume. Il posa sur elle ses prunelles, longtemps, et ne dit rien. Une sourde rancune monta du cœur de la négresse à l’outrage de cette indifférence. Alors ce qu’elle avait à dire, le drame, s’imposa à son esprit et, résolue d’accabler son amant par une révélation brutale du malheur, elle prit un air grave, détaché, supérieur :
— Si tu ne veux pas me féliciter pour ma gallabieh, ça m’est égal, je te jure que ça m’est égal…
Elle s’interrompit afin de permettre à Goha de réparer son indélicatesse. Il ne dit rien, ne comprenant pas le grief qu’on avait contre lui.
— Ça m’est égal, poursuivit Hawa, les ânes ne comprennent jamais ce que c’est que le gingembre… Et totalement départie de sa réserve elle ajouta, les pupilles fixées obliquement sur les dalles :
— Écoute, Goha, je veux te dire une parole…
Il la regarda, calmement, sans s’émouvoir de l’appareil solennel qu’elle s’ingéniait à déployer autour de lui. Elle ajouta d’une voix en fausset :
— Seulement avant cette parole, je veux te dire une autre parole.
Concentrant son effort sur ce qu’elle avait à exposer, elle cherchait à procéder avec méthode :