Elle ajouta :
— Hé ! Bagba, tu m’as effrayée ! Bagba, tu es un méchant garçon !
— Hawa ! Hawa !… Maudit soit ton père !…
— Hé ! voyons, Bagba, tu n’as pas honte !… Pourquoi veux-tu que mon père soit maudit ?… Mon père ?… Est-ce que je sais qui est mon père ?
Tandis qu’elle parlait, son visage flasque au nez camus, aux petits yeux jaunes demeurait sans expression. Elle essayait de sonder sa mémoire, de retrouver quelques souvenirs du passé. Elle avait été enlevée, encore fillette, par des marchands. Elle se rappelait vaguement le village où l’on marchait tout nu, où l’on dormait dans des huttes. Les hommes chassaient de gros animaux qu’on rôtissait sur de grands feux ; le soir, ils se baignaient dans les rivières infestées de crocodiles, Puis elle avait suivi une caravane dans des sables, des sables sans fin… combien de temps ? des mois, des années, des années…
— Mon père, murmura-t-elle en soupirant. Ah ! laisse-le où il est, Bagba…
Près de la fenêtre, sur son perchoir, un perroquet gris se tenant sur une patte, la regardait attentivement de son œil rond. Immobile, la tête noyée dans son plumage, il avait un air paresseux et narquois.
Par moments, il entr’ouvrait le bec et poussait un sifflet strident. Soudain, il s’érigea, heurta violemment du bec sa mangeoire dont le contenu se répandit sur les dalles, se laissa glisser sur sa