Un matin, il ne trouva plus la cheika. Saisi, déconcerté, il considéra le socle nu et une grande tristesse s’empara de lui.
— Où est la cheika, dit-il à Abd-el-Akbar quand il eut rejoint ce dernier dans la barque ?
— Ils l’ont prise, s’écria le pêcheur, avant-hier, le lendemain du Ramadan. Que le diable l’emporte… Je crois qu’elle a empoisonné le Nil pour dix ans… Que Dieu nous protège de son œil !…
Goha ne répondit pas. Il avait envie de pleurer. Où se promènerait-il désormais ? Il lui semblait avoir toujours vécu avec la cheika. Elle disparue, il se sentait dépourvu de toute raison d’être.
Cependant, il songea qu’il pourrait encore la retrouver. Il consacra les jours suivants à d’infructueuses recherches, visita les mosquées, les cimetières, pénétra dans les cours des maisons privées, fureta du regard par toutes les portes entr’ouvertes qu’il rencontra sur sa route. Il fouilla la ville dans tous ses recoins, entra dans les tabagies, s’attarda de longues heures dans le quartier des filles.
Sorti pour la chercher encore, le cinquième jour, il passa devant un bazar. Il acheta des oranges et alla s’endormir sur un haut promontoire du désert. Le lendemain, il fit de même. C’est ainsi qu’ayant donné un but différent à son activité, il retrouva son insouciance heureuse dans l’oubli.