Ibrahim vint annoncer le cheik. Nour-el-Eïn eut un geste d’irritation et se rendit à sa rencontre.
— La chaleur te fatigue, dit-il en entrant. Pourquoi ne t’assieds-tu pas au balcon du nord ? Viens, tu as besoin de fraîcheur.
— Non, dit Nour-el-Ein d’une voix lasse.
El-Zaki l’observa. Depuis quelque temps déjà, il avait remarqué son humeur sombre, ses caprices et l’effort qu’elle faisait pour le recevoir. Il en avait parlé à Moussa Ibn Youssef, un des meilleurs médecins juifs d’El-Kaïra, qui lui avait prédit la venue d’un enfant. La sage-femme, mandée aussitôt, avait déclaré qu’il n’en était rien et avait été d’avis d’exorciser Nour-el-Eïn.
Retombé dans son inquiétude, le cheik craignait que sa compagne favorite ne fût atteinte d’une maladie de langueur. Il la traita avec tendresse, lui offrit une pièce de velours et des bracelets qu’elle reçut comme toujours en souriant, mais il hésitait à l’interroger, car le mariage n’avait établi entre eux aucune intimité. Aussi voulut-il ce soir-là l’approcher davantage, la mieux connaître.
— La fraîcheur t’est nécessaire, mon enfant, dit-il… viens…
— Si vous me l’ordonnez… balbutia Nour-el-Eïn.
Il s’aperçut alors qu’il ne savait pas lui parler.
« Tout ce que je lui dirai, songea-t-il, ne sera jamais qu’un ordre et sa réponse ne sera jamais qu’une soumission. » Ils traversèrent l’appartement et gagnèrent le balcon qui donnait sur le jardin. Vaste et dallé de marbre, il était entouré d’une moucharabieh. Le cheik ouvrit une fenêtre.