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— Et pas une fois il ne s’est inquiété de moi… Il ne regarde même pas ma fenêtre lorsqu’il vient chez le cheik… D’ailleurs il y a cinq jours qu’il ne vient plus.

Elle maltraitait une guirlande de jasmins qu’elle portait en sautoir. Les fleurs blanches, traversées d’un fil de soie, commençaient à se flétrir. Ibrahim l’eunuque lui préparait chaque matin une de ces parures. Le caractère patient du Soudanais se complaisait dans les occupations minutieuses et il cherchait dans le jardin les fleurs les plus odorantes pour en faire de fragiles ornements, colliers, bracelets, pendeloques et couronnes.

Amina se leva. Ses pieds laissèrent des empreintes humides sur les dalles, puis ses pas s’étouffèrent dans un tapis de Smyrne. Elle s’adossa un instant contre l’une des colonnes.

— Pourquoi me regardes-tu comme ça ? demanda Nour-el-Eïn en colère. Tu me trouves laide ? Je suis laide, je n’ai jamais été que laide !

L’esclave rit avec ostentation et vint se jeter à genoux auprès du divan. Elle enlaça Nour-el-Eïn et la câlina, la tête appuyée sur sa hanche arrondie.

— Laide ?… Avec ça… Quel est l’imbécile qui t’as vue sans mourir d’amour ?… Tu es légère comme une gazelle qui a soif et belle comme la lumière… Ah ! si j’étais un homme riche, un prince ou un sultan, je t’aurais construit un harem de marbre et d’or… Et pourquoi pas ?

— Tu te moques de moi, dit Nour-el-Eïn.

— Que Dieu m’en préserve. Je te dis la vérité…

— Alors pourquoi ne me veut-il pas ?