XIV
le sacrilège
Il s’était passé dans la rue quelque chose d’extraordinaire. Devant la maison de Hag-Mahmoud-Riazy un homme riait, les poings sur les hanches, les jambes écartées.
Goha ne croyait pas à la mort de son ami. Il voyait dans le recueillement de la foule, les chants funèbres, le désespoir des pleureuses, les diverses péripéties de cette farce énorme : les funérailles d’un être vivant. Le scandale devint tel qu’un cheik à barbe blanche et deux étudiants d’El-Azhar vinrent à lui et l’interpellèrent rudement :
— Je ne sais pas qui tu es, dit le cheik, mais je constate que tu n’as pas de tact.
— J’ai beaucoup de tact, riposta Goha, la face épanouie… Et tact dans l’œil de ta mère !… et tact dans l’œil de ta sœur !…
La sonorité de ce mot qu’il ne comprenait pas l’amusait et l’incitait aux jeux d’esprit.