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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

pressentit que cet avantage lui venait de sa rivale et lorsqu’elle reçut une broche de rubis elle comprit que ce précieux cadeau était soit la compensation d’un sacrifice qu’elle devrait consentir bientôt, soit le prix d’une passive complicité. Vieille et sans pouvoir, elle songea que le mieux pour elle était de profiter des occasions que lui offrait Nour-el-Eïn et d’accepter sans vaine résistance le sort que celle-ci lui faisait. Rien n’annonçait la fin de ce régime de générosité et d’attentions conjugales qui lui donnaient l’illusion d’une seconde jeunesse. La tyrannie de la nouvelle venue s’imposait sous des dehors affables. Nour-el-Eïn parvint même à séduire Mabrouka. Un jour, après le repas, elle tira de son doigt la bague de saphir qu’elle avait reçue au moment de sa dispute avec elle.

— Je ne garderai pas ce bijou, dit-elle. Je t’avais offensée. Le saphir est pour celle qui a pardonné.

Cependant, Nour-el-Eïn était impatiente de mettre fin à ces présents dispendieux et s’en plaignit à Wanda.

— C’est fini, ma chérie, répondit la dallala, l’affaire a marché comme je l’ai voulu… Il ne me reste qu’à parler à la vieille et je vais le faire à l’instant.

Courte, épaisse, essoufflée, elle s’éloigna de son pas lourd qui ébranlait la chambre et se rendit auprès de Mabrouka.

— Que ta journée soit bénie ! s’écria-t-elle en entrant.