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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

dait plus à sa toilette. Elle s’empressait autour des femmes, leur prodiguait des compliments et baisait avec effusion leurs joues molles.

— Qu’Allah préserve ta tête ! s’écriait la dallala qui contrôlait soigneusement les résultats… Tu es rusée comme un singe, ma chérie…

Il y eut, un jour, entre Nour-el-Eïn et la dallala une discussion plus longue et plus agitée que d’habitude. Warda faisait sonner avec une force exceptionnelle ses titres à la reconnaissance universelle des femmes amoureuses et Nour-el-Eïn protestait. Le nom de Mabrouka revenait fréquemment dans leurs discours : « Nous devons la gagner d’une manière définitive », disait Warda. « Plus nous donnerons, plus elle résistera », répliquait l’autre. Mais, en somme, ce fut Nour-el-Eïn qui céda. Elle reconnut que la tactique de sa directrice était supérieure et le soir même elle s’y conforma.

Comme El-Zaki se trouvait dans sa chambre, assis auprès d’elle, elle affecta d’être soucieuse.

— Laisse-moi, je suis triste, fit-elle en saisissant la main qui caressait sa chevelure dénouée.

— Pourquoi es-tu triste, mon enfant ? demanda le cheik avec inquiétude.

Nour-el-Eïn baissa les yeux.

— Tu vas dire que je suis folle, murmura-t-elle… Oh ! je n’ai pas à me plaindre… Tu es bon pour moi, tu viens me voir souvent, tu me donnes des bijoux merveilleux, dans ta maison on me respecte…