— Ma petite dame, qu’y-a-t-il ? Pourquoi ce chagrin ?
— Amina, Amina, je sens comme si on m’avait mangé le cœur.
C’est avec ces mots qu’elle fit l’aveu d’un amour qu’elle venait de connaître prématurément. Les jeunes femmes en étaient encore à leurs effusions, quand résonna la voix fine d’Ibrahim l’eunuque.
— Attention ! Attention !
D’un bond, elles s’élancèrent à la fenêtre. Nour-el-Eïn, les doigts accrochés nerveusement au treillis de bois, ressentit une émotion si vive que la vision se brouilla devant ses yeux.
— Je ne l’ai pas vu, se plaignit-elle lorsque les hommes atteignirent le perron.
— Comment l’aurais-tu vu ? répondit la Syrienne en riant. Son visage était voilé.
— Chut ! ne parle pas si fort…
— Comme tu as peur !
— Je ne veux pas que Mabrouka nous entende.
— Oh ! celle-là… s’écria l’esclave en esquissant un geste de menace. Ma petite dame, ajouta-t-elle d’une voix insinuante, allons dans l’antichambre.
Elle saisit Nour-el-Eïn par sa tunique bleue.
— Vite, vite, avant qu’ils ne passent.
Nour-el-Eïn fit un mouvement pour la suivre, puis se ravisa :
— Non, je n’irai pas.
— Mais pourquoi ? supplia l’esclave.
— Parce que…
Nour-el-Eïn se tut en rougissant. Elle s’était souvenue d’un spectacle depuis longtemps oublié.