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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

enlève sa robe… Il la regarde… Pauvre fille, c’est la première fois qu’on l’accueille avec tant de froideur… Alors… Alors…

Mirmah décrocha du mur un tambourin et l’agita au-dessus de sa tête.

— Mélek danse, danse et Abd-el-Rahman demeure impassible.

— L’aimait-elle donc pour vouloir le gagner ?

— Et comment ne l’eût-elle pas aimé, ma petite dame, quand il avait tant de mépris pour elle ? Mélek danse et chante. Son corps se courbe comme un roseau. L’homme la regarde, et ne dit rien… Mélek détache les bracelets qui ornent ses chevilles et ses poignets, elle délie ses cheveux. Elle est debout, très pâle, les cuisses serrées… Tout à coup, elle rejette le tambourin avec colère, elle pousse un grand cri et, sautant sur Abd-el-Rahman, elle joue comme un lionceau sur ses genoux… À cette minute, elle connut son premier désir.

Tour à tour, hautaine, fougueuse, câline, Mirmah avait reproduit tous les gestes, tous les cris de Mélek, sans souci du contraste entre ses poses voluptueuses et ses chairs flétries.

Affalée maintenant sur les dalles, elle respirait avec peine.

— Et la fin, Mirmah, la fin ? demanda Nour-el-Eïn.

— Le lendemain le voyageur remit une bourse pleine d’or au père de Mélek et il emporta la fillette avec sa nourrice.

L’histoire de sa mère bouleversait Nour-el-Eïn,