— Je le savais… Je l’ai dit. Si c’était une fille de douze ans, je l’aurais élevée comme il faut… Mais naturellement on ne m’écoute pas… Ma parole n’est plus considérée…
Cette scène avait amusé Nour-el-Eïn, qui s’était mise derrière la porte pour mieux entendre.
— Non ! Non ! Non ! poursuivait Mabrouka. Qu’elle ne croie pas, cette petite qui vient d’entrer dans ma maison… dans ma maison — j’étais dans cette maison avant sa naissance — allez lui dire qu’elle ne croie pas que moi, la vieille, la loyale épouse, je subirai les insolences d’une fille qui vient d’entrer dans ma maison, ma maison…
— Ne te tourmente pas, suppliait la cuisinière, je te jure que le cheik te donnera raison…
Mais la bonne Mabrouka s’était montrée inconsolable. Quelle que fût sa répugnance, Cheik-el-Zaki dut intervenir. Au bout d’une semaine de transactions, il était parvenu à rétablir la paix dans son harem. Nour-el-Eïn au prix d’une bague de saphir avait consenti à baiser la main de l’offensée qui au prix d’un mouchoir de soie avait consenti à lui pardonner.
Au souvenir de cette scène qui avait marqué la déchéance de Mabrouka, Nour-el-Eïn tordit ses bras et se frottant les yeux
— Amina, dit-elle, Amina… que je m’ennuie !
Elle eut un long bâillement qui découvrit ses dents irrégulières et blanches et son palais rose.
— Lequel préfères-tu ? demanda Amina en souriant.
— Comment lequel ? Que veux-tu dire ?