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L’AVIATION MILITAIRE

« Nous désirerions arriver jusqu’aux vautours. — Ce n’est pas la peine, il n’y en a pas aujourd’hui. — Quand alors ? on nous a assuré qu’il y en avait toujours ! — Non. Voyez-vous, sans être un savant, il y a des choses que je connais. Ça dépend du vent. Aujourd’hui, le temps est chaud et très calme, les odeurs ne s’en vont pas ; mais quand le vent soufflera, il les portera loin et les vautours arriveront. — Ah ! bien, bien, c’est compris. Merci. »

Ce raisonnement, quoique faux, nous mit sur la trace du vrai. Évidemment, les odeurs n’étaient pour rien dans le retour des rapaces, le vent seul les ramenait. De sorte que nous pûmes noter cette première constatation : Sans vent, les voies aériennes n’existaient pas. Faute de voies aériennes les vautours restaient sur leurs rochers.

En rentrant à l’hôtel, notre ancien zouave nous présenta un de ses camarades, garçon comme lui, accompagné d’un homme d’aspect rude. — « Je me charge, nous dit le deuxième garçon, de vous conduire dans les environs de Constantine, de l’autre côté du ravin, au lieu dit Sidi-M’Cid, près d’un fort-pénitencier, occupé par les turcos, où vous vous trouverez en présence d’autant de vautours et de gypaètes que vous désirerez. — Allons-y demain matin. — Pardon, il nous faut attendre le jour d’une certaine fête musulmane, qui arrivera dans quelques mois, à l’occasion de laquelle les femmes des Arabes vont en nombre offrir des victuailles aux grands rapaces, avec la croyance qu’ils épargneront leurs époux et maîtres, morts dans les combats ou pendant les razzias. »

L’homme de mauvaise mine venait se mettre à notre service pour faire n’importe quoi, n’importe quand, n’importe où. Il nous dit être chasseur et n’avoir peur d’aucune bête, ni grosse, ni petite ; en réalité, c’était un braconnier à tous crins ; nous le prîmes.

Réfléchissant à ce que nous avait proposé et raconté le deuxième garçon, nous nous doutions bien que les supplications superstitieuses des femmes arabes ne devaient guère être entendues des vautours et que ceux-ci, ignorant la fête,