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VENISE

une teinte, conservées dans un geste… Apothéoses vivantes aussi, comme la statue Colleone, le bras en arrière, tes jambes dressées sur les étriers, la tête dure et la lèvre qui mord ! La statue de Colleone qui foule aux pieds de son cheval la ville, l’espace, le monde. Apothéoses de meurtres et d’aventures, campagnes saccagées, viols, femmes sanglantes tramées à coups de couteau… tout cela pour élever un palais de plus, pour décorer la Piazzetta, pour rapporter à la dogaresse toutes les perles d’Orient !

Oh… l’heure du Titien, l’heure où tout s’empourpre, où le grand canal, la Jiudecca, les lagunes du Lido, s’imprègnent de ciselures sanglantes, d’une atmosphère de vieil or ! L’heure où l’on respire de la volupté, où l’on est secoué de spasmes et de désirs, désirs violents comme ces tourbillons qui dévastaient l’Italie au temps d’un Médicis !

Borgia a dû connaître Venise… L’heure