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NOTRE-DAME DES MERS MORTES

de bois, de longues trainées de nacre. On dirait qu’un semeur en passant a jeté des perles. Des musiques lointaines chantent. L’atmosphère est d’une douceur étrange, chargée de langueur orientale, de chaleur, de caresse. Venise, au murmure, à l’appel de ses lagunes, s’offre, tend les bras et c’est une luxure effroyable, déchainée soudain sur les murs croûlants, sur les médaillons de marbre, sur les ciselures, sur les moindres pierres. Des vignes vierges, près du patais Dario, semblent des blessures. Et le palais Dario lui-même, comme fatigué de ses parures, agonisant de beauté et de vieillesse, évoque une vieille à genoux, pâmée, et dans un râle. La débauche d’un Tintoret, les cris du Titien, mêlés à la candeur de Bellini et à l’envolée de Tiepolo sont latents dans ces ruines grandioses et s’éveillent à la nuit. Le tombeau s’ouvre jusqu’aux étoiles et les morts ressuscitent. La ville unique au monde par sa noblesse et par sa vieillesse, cette noblesse de l’histoire, la ville