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LE BAISER

Jacques en fut bouleversé. Voyons… que ferait-il ? Il irait sans nul doute, mais comment… dans la foule, avec les fidèles quelconques, ignorés de Contarinetta ? Pauvre chère petite aveugle, elle n’en saurait rien. Et Jacques voulait qu’elle sut. Il cherchait un moyen, il cherchait un moyen. Sa tension nerveuse était telle que dans son être il ressentait un frémissement comme celui dont sont secoués les navires en marche. Puisqu’il était le Prince de la légende, puisqu’il ébauchait un conte bleu, un rêve… il fallait qu’elle sut. Tout à coup l’idée l’effleura étrange, dominatrice. L’orgue… Se cacher près de l’orgue… Être si près qu’en illusion il prenne pour son appel les appels divins des flûtes de métal… Se cacher près de l’orgue ! Il sentait son jeu et son âme à elle, vibrer jusque dans ses doigts… Il sentirait passer son souffle, son émotion, son enthousiasme. Et son amour s’enflammerait pareil à ces larges voiles de pourpre que les guerriers déploient, les soirs de victoire ;