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vivait ici, elle en faisait voir de toutes les couleurs. Indépendante, brusque, folle jusqu’à se moquer du monde, elle avait vu, un à un, les gens respectables de l’Île s’éloigner d’elle. Muriel, grâce à sa jeunesse, à son charme, à cette fougue même qu’on excusait d’abord, avait été reçue et fêtée par tous et partout. Mais, bientôt, des bruits couraient sous le manteau et sur le masque. C’étaient, tantôt d’innocentes fredaines, aggravées d’expéditions bizarres, tantôt de plus longues excursions dans les rochers ou sur la mer, d’où, affirmaient les bonnes langues, miss Lawthorn revenait fort décoiffée. Ses voyages fréquents à Naples au cours desquels on la rencontrait déguisée en garçon avec ce que Naples compte de plus compromettants ducs ou marquis rastaquouères et camorristes achevaient de la perdre dans une société qui, singe des autres, admettait tout pourvu qu’elle ne voie rien. Jusqu’à présent, l’amitié ferme de Gérard pour Muriel, le respect qu’il lui montrait, la générosité de la jeune américaine qui malgré sa pension relativement modeste dépensait sans compter, tout cela réunissait encore autour d’elle une vieille garde assez fidèle. Mais maintenant, à la charge d’un chacun, écorniflée de sa dernière auréole, qu’allait-il arriver ?

Et pour comble, voilà que la sœur de Gérard,