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mêlait dans sa tête au petit bruit griffeur de l’écriture…

Là-dessus, dix jours se passèrent. Nulle réponse ne vint. Maleine se résolvait à partir. Pour son dernier pèlerinage, il prit au matin le train de Porto d’Anzio et arriva une demi-heure après dans la villette dont on lui indiqua la plage et le cimetière. Il voulait se recueillir là, dans la solitude des évocations. En face de la mer, le bûcher de Shelley brûlait encore, et sous les cyprès aux fuseaux pesants il lut la pierre gravée que Stendhal y oublia. Et il souhaita un pareil lieu de sépulture, si, un jour, la vie lui pesait trop. Sur la grève au sable fin, la mer tyrrhénienne finissait doucement, en vagues molles, éparpillées. Des chèvres broutaient jusque dans les creux des rochers. Un olivier tordu brillait dans le ciel cru comme s’il avait eu de la poussière d’argent sur ses branches. Des pêcheurs, arqués sur leurs jarrets bruns, tiraient les filets qu’une algue verdissait par instants. Une femme chantait en raccommodant une voile rouge. Des moucherons bruissèrent, en plein soleil : C’était en face du bonheur sur terre que Gérard comprenait la mort.