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C’était la veille de son départ qu’il accomplissait ce pèlerinage douloureux. Il assistait à cette mascarade à peine voilée de tragédie, organisée par le docteur de la maison de santé célèbre, où l’on n’accueillait que des demi-fous.

Pour ne pas troubler la malade qui d’un signe étrange l’avait pourtant reconnu, Gérard ne l’embrassa point mais la salua profondément d’un : « bonsoir, maman duchesse ! » Un silence se faisait. Une tranquillité malsaine planait sur la réunion. Et comme Gérard, une douleur profonde l’étreignant, parlait à voix basse, des éclats de rire trop stridents et presque plus naturels annoncèrent des histoires de Miss Elsie. Le Charbonnier à son tour était entré. Devant sa touche révolutionnaire et le roulement de ses prunelles, les rares sang-froid de la salle se dévisagèrent, inquiets. Cependant, le ci-devant duc Cinéo s’approchait du docteur, puis sur un assentiment, s’étant mis au piano attaquait la mort de Mimi dans la Bohême. Dès les premières notes, ce qui était prévu arrivait. La pauvre Mme Maleine, pas encore amorphe, commençait à frémir. On essayait des diversions et des bonnes paroles. On arrêtait le concert. Tout à coup elle se levait, écartait son fils qui suppliait : Maman ! maman ! marchait, indomptable vers Desnoels à qui M. Rioux, pris