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Il y rêva tellement qu’il retourna le surlendemain aux serres du bonhomme. Elle le reçut très gentille, très simple : Papa n’était pas là.

En chiffonnant des bouquets, ils causèrent. Il apprit qu’elle s’appelait Blanche et ce nom-là lui plut. Il le trouvait bien pour elle, pur comme les corolles qu’elle faisait éclore. En partant, il lui jeta un tel coup d’œil mi-suppliant mi-dominateur (mais si comique à coup sûr) qu’une fois encore, sans pouvoir se retenir, elle rit en renversant un peu la tête, de façon que Gérard découvrit sur le cou duveté un petit signe, « un grain de café » comme disent les bonnes femmes, dont il resta tout chose…

Maintenant, après avoir lutté pour savoir s’il irait ou s’il n’irait pas, il prenait l’habitude de visiter le fleuriste trois ou quatre fois la semaine. Comme il ne pouvait pas s’en aller du jardin les mains vides, et que d’autre part, Mlle Blanche savait vanter sa marchandise d’une façon irréfutable, le petit coin du soldat se transformait en paradis artificiel. Ses venues fréquentes ne paraissaient pas inquiéter la famille. Tour à tour, il connut la mère, imposante, qui tricotait un interminable bas de laine, la mère louchant derrière ses lunettes ; le frère, un gamin de treize ans qui ressemblait à sa sœur comme deux puces, et Flic, enfin, Flic, le chien, un de ces mâ-