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la via Krupp qui conduit à la Petite Marine. De l’endroit où il était, il pouvait apercevoir son ancienne maison, son atelier de jadis, celui qu’il avait habité avec elle… et où il y avait encore sous des linges desséchés ses œuvres d’autrefois… La silhouette blanche de la villa se détachait sur le bronze obscur des rochers. Une idée folle le prit. Puisque c’était Noël et que c’était la nuit de toutes les naissances, il irait passer une heure avec ces misérables fantômes pour être moins abandonné, pour ne pas rester seul. Il retrouverait des songes d’autrefois, ses esquisses d’hier, l’âme éparse sur les ruines…

Bientôt il fut au seuil, il donna un tour de clef. La serrure rouillée résistait un peu. Il dut presser pour ouvrir. Dès qu’il entrait, une odeur particulière d’humidité et de fleurs sèches le saisissait aux narines ; on eut cru se pencher sur une mare nocturne. Gérard frotta une allumette, alluma une bougie qui se trouvait là, comme avant, sur une table du corridor, puis commença sa visite à travers l’en deçà. Ce fut d’abord sa chambre à lui, où les tiroirs ouverts, les armoires béantes, le lit abandonné disaient la fuite précipitée, l’abandon d’un brusque départ. Puis la salle à manger avec ses assiettes de faïence peinte où le Roi Murat empanaché alternait