Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrées… Enfin, Muriel devenait ma statue vivante…

Vous fûtes témoin de ma douleur et de la rançon de ma joie. Pourtant vous me rendez cette justice que je ne lui en avais presque pas voulu de me faire souffrir. Je la savais partie avec un autre et mon amour, cette lâcheté, mon amour était si fort, que malgré la jalousie mordante, je me résignais, pourvu qu’elle fût heureuse. Je me refusais à voir Muriel autrement que belle, âme et corps. Si elle s’était trompée, si elle préférait un autre enthousiasme, je voulais du moins la croire fatalement sincère et passionnée. On nous a assez chanté l’amour libre et le choix des destinées pour que quasi je lui pardonne. Et je me représentais ma femme d’hier comme l’amante impétueuse et esclave d’un homme digne de cet amour… Eh bien, mon cher, Muriel n’est qu’une putain…

Oui, continua-t-il, la voix sifflante, raillant presque, on la rencontre à Nice, à Gênes, à Monte-Carlo, cavalcadant sur la Riviera, suivie de Minosoff, l’homme de joie, cornac en titre et valet de cœur. Celui qui m’en a donné la nouvelle ignorait tout, et ne se doutera jamais de ce qu’il a broyé. Si vous la voulez, et si elle vous plaît, la photo de mon ex-femme à présent court les devantures ; c’est cent louis pour l’original, mon brave Hultmann, et de-