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accompagnées d’un professor, d’un Geheimrat ou d’un Direktor quelconque — fass von bier, barbe en fleuve, lunettes d’or — Américaines buveuses d’eau glacée, peaux livides et fripées, dents féroces, garnies de métal, et parlant nasillard comme des phonographes ; Françaises communes, gesticulantes, rondouillardes ou trop chapeautées, dont les maris, l’air merlan, ont tous au moins les palmes ; Italiennes cacatoès, l’air de la fille Élisa, couvertes de bijoux comme les négresses se couvrent de coquillages ; enfin, Russes sans sexe, étudiantes mystiques et maigrelettes avec des mains diaphanes, des doigts fluets — des doigts à manier doucement la dynamite…

Malgré l’évidente satiété produite par ce kaléidoscope, Gérard trouvait un plaisir de neurasthénique à se chauffer le cœur au feu des enthousiasmes. Il s’amusait à voir les autres s’amuser. D’ailleurs il n’avait parmi ces foules jamais rencontré âme qui vive, lorsque cinq ou six jours avant Noël, étant venu là plus anxieux de distractions que d’habitude, le cœur serré à l’idée des lendemains à passer seul, Gérard Maleine vit venir vers lui quelqu’un qu’il n’avait pas même remarqué dans les barques… Perché sur de hautes jambes, maigre à faire peur, avec, on ne sait pas pourquoi, un petit