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Au passage, après avoir admiré la Pallas hiératique dont le sourire plein de mystiques vengeances paraît accompagner la flèche meurtrière qu’elle a lancée, ils s’arrêtèrent devant l’Antinoüs dont Hultmann dit la simplicité passionnée, la résignation au sacrifice pour l’amour d’Hadrien. Ces formes sinueuses, graciles et pures n’évoquaient pas l’épicuréisme soyeux et nonchalant des siècles sans retour où l’on mêlait aux meurtres, bientôt chrétiens, de ce qui allait être le Bas-Empire, la douceur païenne de savoir adorer.

Puis, revenant sur leurs pas, après avoir traversé la salle du Narcisse comme replié sur sa gracieuse image (qu’écoute-t-il ? Une nymphe tôt disparue ou le chœur de ses voix intérieures ?) après une station devant le Faune dansant et devant le Faune ivre qui malgré la catastrophe des âges ont conservé leur insouciante joie, Hultmann menait l’indifférent Gérard devant une petite statue de bronze noir — éphèbe ou danseuse — au corps troublant, voilé d’une robe légère, les deux bras tendus en signe de bon accueil ; les cheveux enfantins étaient retenus par un réseau très simple. Le sourire luisait, indéfinissable et presque désenchanté. Où s’en allait le regard intangible des prunelles d’argent ? À quoi rêvait cette petite chose sans sexe et sans nom qui se dresse, fragile, au seuil d’un éternel secret ?