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juvénile est quand même restée douce ; ne serra que le glaive et n’a point caressé. César ne l’a pas remarqué encore, penché sur le bord de sa loge impériale, et ne lui a jamais fait signe de s’asseoir sur la pourpre après l’avoir détaillé au creux de son améthyste. Et pourtant, malgré ses muscles, malgré sa jeunesse, malgré sa force, au dernier combat, tandis que déjà les applaudissements crépitaient sur les sedia de marbre, celui qu’on croyait vaincu a frappé celui qu’on acclamait trop vite. Une lance dissimulée, un poignard secret brutalement, traîtreusement, viennent de lui déchirer la chair. Le sang coule, les veines se vident, les membres se glacent. Le gladiateur s’arrête. Il vacille, il titube ; cela est venu si vite, le malheur fut si bref, qu’il en demeure stupéfié, qu’il reste sans comprendre. Cependant les yeux s’obscurcissent, le cœur se fige, tout ce corps admirable expire dignement, car il sait qu’il expire. L’adolescent se maintient debout, n’osant pas presser sa blessure. Son poing droit, armé encore du glaive, menace l’agonie ; mais il va mourir — il meurt ! Voyez, Gérard, voyez l’infini de son adieu au monde, la sublime stupeur de sa mort !…

Alors, comme Maleine demeurait sans paroles, ils continuèrent leur voyage à travers ces pensifs Enfers.