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ruelles muettes de Ravello, l’impression ne changea guère.

C’était toujours le coin de Terre d’où le mouvement avait fui. L’immobilité, le sommeil sans réveil des hypogées avaient clos ces portes et tendu ces fenêtres de plantes échevelées, si fleuries ! Entre Paestum et Ravello, entre la plaine et la cime, des siècles avaient pu s’écouler. Les temples latins, déjà augustes, doraient leurs ruines au couchant alors que l’air des condottieri aragonais retentissait par les clameurs de victoire. Maintenant, à l’exception de leurs sculptures et de leurs mutilations, les débris des deux villes pouvaient égaliser leur vieillesse par le silence. À peine doutait-on de rencontrer un fantôme, quant à l’autel de quelque église toute pavée de mosaïques barbares, on apercevait, vêtue d’ombre, une vieille femme à genoux mâchonnant des prières…

Déjà, au matin, une brume ouatée estompait la campagne et la mer et les rendait mystérieuses, lorsque Gérard et Hultmann traversant des jardins dont les allées se jonchaient de pétales, s’arrêtèrent devant une grille ancienne à travers laquelle on devinait, perdus dans les vignes vierges rousses, les arceaux blancs d’un cloître. Tout autour, d’immenses jardins suspendus dressaient à ce tabernacle de