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quelque héros d’Homère avait dû jeter l’ancre ou faire atterrir sa galère. De grandes voiles s’inclinaient là-bas, pareilles aux ailes d’un oiseau très sauvage. Puis, soudain, au-dessus des montagnes, déchirant leurs brumes violettes, le soleil, disque diaphane, découvrit lentement sa médaille enflammée.

— Vivons ! dit alors Hultmann. Et il s’assit sur les pierres augustes avec des yeux lourds, comme chargés de larmes. Gérard Maleine le regarda pendant quelques secondes et tout étonné :

— Que voulez-vous dire ?

— Vivons ! répéta Hultmann. Sa voix s’embruma comme d’une nostalgie extrême. Vivons — mais par la mort ! Ressuscitons, ainsi que le fit Jésus triste et tendre, non pas un Lazare, mais tous les Lazares qui dorment dans ces tombeaux. Vous ne comprenez donc pas ce que cette désolation veut dire ? Vous n’évoquez donc point, sur la rugueuse vétusté de ces dalles, toutes les caresses molles, toutes les danses haletantes et nerveuses tous les cultes oubliés ? Il y a deux mille ans que les flamines d’Apollon ont fané sous leurs pieds juvéniles les derniers pétales des roses, des roses de Paestum qui fleurissaient deux fois, et voici des siècles que s’est échangé le baiser de leurs bouches.