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souvi de sa blessure, Hultmann s’était révolté jusqu’au blasphème et d’un geste farouche chassait les femmes de son pauvre cœur.

Ils partirent, et trois jours après, par un matin glorieux, par un ciel où semblaient voltiger des duvets d’ibis roses, ils découvrirent, s’érigeant parmi les marais de la mort, surgies entre les joncs, les roseaux, les vases et les pourritures, les ruines uniques de Paestum. Au moment où ils arrivaient, dans l’humidité vierge, qui, après l’aurore, fait trembler aux herbes des gouttes de rosée, un jeune homme nu, quelque gardien des troupeaux proches, un jeune homme nu dont on voyait saillir les muscles sous la peau virginale les croisa, campé sur un grand cheval blanc. Le vent qui soufflait du large semblait gonfler sa poitrine tendue, et soulevait ses cheveux. Il regarda les étrangers, du regard qu’aurait eu Achille débarquant pour conquérir les villes troyennes. Quelque chose d’héroïque et de très ancien se dégagea sur son passage. Longtemps, Hultmann le suivit des yeux…

Cependant, Gérard et lui arrivèrent au bas des trois marches sacrées, au seuil du plus grand des temples. Lorsqu’ils eurent gravi le séculaire granit, ils se tournèrent vers l’horizon bleui de la mer tyrrhénienne, vers le petit golfe illuminé où jadis