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il le disait, le père s’en fichait pas mal, si ça ne sert à rien pour la musique !

Oh ! comme parmi ces égoïstes supérieurs, ces colimaçons de tour d’ivoire, Gérard se sentait bourgeois — petit bourgeois — simple bourgeois. D’instinct, il se trouvait homme sans prétentions et sans malice, qui connaît les joies, les peines, la vie de tout le monde ; qui pleure comme un autre quand il souffre comme un autre, et dont le rire n’est jamais insultant. La seule nostalgie (un peu mélancolique parce que forcément inassouvie) du beau, l’unique enthousiasme de certaines minutes créatrices : voilà qui le ferait, peut-être, un sincère adorateur de l’art. Il aurait rêvé comme cadre à cette existence une destinée pareille à celle que son père avait gâchée… Une femme telle que sa mère, avant qu’elle ne soit malheureuse et frappée. Le sort, au contraire, se plaisait en un chassé-croisé. C’était Muriel qui, sans un regret, broyait un cœur passionné et fidèle ; c’était le compositeur, sans scrupules et narquois, dont la sécheresse de cœur ne s’apitoyait pas, même devant la folie.

— Vois-tu, Nelly, continuait le vieux Maleine, il n’y a que les marchands de nonnettes de pain d’épices et M. Bouguereau pour présenter l’amour comme une colombe avec des fleurs dans le bec. Il n’y a