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Mais non, Jean, régulièrement, ouvrait la porte de la guimbarde, saluait le pion en ouvrant des yeux de pintade, prenait Gérard dans ses bras, le déposait sur le trottoir et vite, ils grimpaient les Champs-Élysées.

Au printemps, en été, soit que les marronniers érigeassent leurs fleurs pareilles à des aigrettes, soit qu’ils fussent tout vêtus de feuilles dont on dirait des mains humaines, Gérard, honteux de son uniforme râpé et de ses souliers d’ordonnance passait sans oser voir les autres gamins heureux, les gosses aimés, les marins aux cols de soie, et les girls en liberty clair. Il se sentait inférieur. Sa pauvre petite âme fière se contractait comme les gorges qui vont sangloter. Il fallait un baiser de grand’mère !

Elle avait été la seule qui ait pu le comprendre. Alors que la mère s’écartait de Gérard sans jamais avoir pour lui de ces simplicités tendres, de ces élans caresseurs, de ces baisers sans paroles, grand’mère Pauline l’avait aimé, gâté, préféré, consolé : C’était elle, qui, Gérard accusé de tous les défauts et des pires méchancetés l’avait défendu. C’était elle qui s’en montrait fière, vantant ses premiers succès obtenus à l’école. C’était elle, enfin, qui, son petit malade, là-bas, était venue le voir et l’avait soigné.