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pour connaître la vie. Eh bien, la vie est remplie de choses que l’on doit oublier. Se ficher d’un souvenir, voilà la meilleure manière de n’y plus penser.

— Cependant, père. Il s’agit, d’un côté, de l’honneur de ta fille… Quant à moi…

— Quant à toi, nous en reparlerons plus tard. En ce qui concerne Nelly, bah ! la belle affaire ! Et pourquoi mets-tu son honneur là où j’ai mon derrière ? N’a-t-elle pas commencé les bêtises ? Tu m’as écrit, je l’admets, que l’éducation donnée par moi a été un peu lâche et très mêlée. Cependant j’ai prévenu tes sœurs. Tu comprends, que gagnant ma vie au théâtre et par le théâtre, je ne pouvais pas cadenasser les petites dans un Mont-de-Piété quelconque, tablant sur leurs reconnaissances. Un jour ou l’autre elles ont connu les coulisses. Dam ! te dis pas que c’est le Paradis. Mais enfin, moi, j’aurais voulu pour Nelly les planches, la scène, le succès. Avec un peu de travail elle arriverait à se faire une voix charmante. La vertu y importe peu, d’ailleurs ; si elle m’avait compris quand je la mettais en garde contre les turlupinades des hommes elle ne se serait pas laissé conter tant de choses par ce caviar de prince. Tant pis : ce qui est fait est fait. Je te le répète. Elle a donné dans l’amour libre. Libre de