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nelle qu’elle avait cru oubliée. Elle le consolait, essayant en vain de calmer ses larmes. La vision du couple heureux, soudain, lui revint en mémoire. Puis, grimaçants, les fantômes de Capri. Ah ! Ce qu’ils allaient rire, ceux-là !

— Il faut agir, Gérard, répéta-t-elle. C’est de la faiblesse, de la lâcheté de rester ainsi. Défendons-nous. Allons à Naples. Retrouvons-les…

— Ah, ça ? non ! Et Maleine se cabrait à l’idée. Du moment qu’ils ont pu réfléchir — qu’ils sont partis de sang-froid… Les chercher ; les attendre ; les menacer ; la prendre ? Jamais ! Je t’assure bien, Nelly, que je croyais en elle. Moi qui ne connais ni la peur ni les prières… J’ai tremblé en la suppliant. Je l’aimais… Oh ! je l’aime encore… éperdument, désespérément… On dirait que c’est mon sang qui coule par cette blessure… ma vie s’en va par la porte qu’elle a laissée ouverte. Mais… toi… pars ; abandonne-moi. Il faut que j’arrive à tuer cet amour indigne. Il faut que je la méprise assez pour ne plus avoir pour elle que de l’indifférence… La Haine est trop facile, après l’Amour. Va-t-en… Il faut que je mâche ma douleur comme quelqu’un qui ne peut plus manger… Toi, écris à notre père… Dis-lui que tu as assez souffert pour être pardonnée…