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menue comme une souris et qui trottinait par toute la maison dans une robe de chambre hors d’âge, pincettes en main, à la recherche d’un brin de poussière ou d’un fil oublié. Méticuleuse et surannée, grignotant aux repas la moitié d’une caille avec dix petits pois, elle caressait son Gérard, grand’maman Pauline, et l’accueillait de son regard très doux de petite fille vieillie…

Vers douze ans, Gérard avait été mis à Lakanal, vers ces douze ans qui s’éveillent aux délices, qui jouent, qui rient, qui chantent. Au moment où chacun sent en lui le pépiement des flûtes de la jeunesse, au moment où rien n’est sérieux sauf la joie, où le monde entier a l’enfance de l’enfant, on enfermait, conformément aux idées de la république grévisto-athénienne le malheureux dans un lycée.

Il faut avoir vécu, ne fût-ce que quelques mois au fond de ces tout-à-l’égout sinistres pour juger le sans-gêne adorable des parents qui pour se débarrasser d’un pauvre petit témoin inutile, pour faciliter leurs obligations mondaines, simplement pour se rajeunir en supprimant les aînés — pour en être quitte enfin avec les responsabilités d’une éducation personnelle — jettent d’un trait ces enthousiasmes juvéniles, ces ardeurs, ces puretés, ces âmes impré-