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par les ruines Romaines. Plus bas, en halo blanc, la petite ville cerclait l’horizon comme un croissant oriental, avec au-dessus d’elle les créneaux à la Mantegna du fort Castiglione ou la masse lourde du San Michele. Au bord du golfe, enfin, dans l’ombre bleue du Solaro et d’Anacapri, la Grande Marina, telle qu’une ceinture dénouée reflétait ses maisons roses dans l’eau calme. Comme à toute heure voisine du crépuscule, les rumeurs qui montaient vers le ciel limpide se faisaient plus distinctes ; elles vibraient. C’était les voix en mineur des paysans qui, en sarclant leurs ceps, pleuraient des mélopées bizarres, des chansons de très loin, moitié grecques, moitié arabes. C’était l’appel traînant des pêcheurs sur la côte, des pêcheurs encore armés du trident de Neptune. Ces bruits se mêlaient dans l’air pur avec des cris d’enfant, des abois de chien, avec le marteau sonore d’une forge. Puis, une cloche là-bas tinta les litanies du soir. Et l’île hautaine parut exhaler son âme…

Alors, comme très haut dans le ciel passaient des goélands, et que très loin sur la mer un vaisseau de légende, aux archaïques voiles blanches, se découpait en taches nettes sur l’or du soir, Maleine évoqua la nostalgie des départs vers le sud, les voyages qu’ils feraient, et leur retour dans la