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masse bleuâtre de l’Époméo dressé dans l’atmosphère.

Ils descendaient à terre, gaiement ; dévoraient un déjeuner aux fruits de mer préparé par Angarella et pendant que Serge et Gérard, réconciliés, discutaient le meilleur emploi à faire de la journée, Nelly et Muriel grignotaient les figues sèches, célébrité de l’albergo, les figues molles et sucrées au ventre farci d’écorce de cédrat, d’amande et de grain d’anis.

L’heure d’après, ils étaient en route pour le Castello d’Ischia, et traversaient au galop de chevaux grands comme des ânes et nerveux comme des cabris les rues du bourg flanquées de palazzi aux grands parcs ombreux, de palazzi maintenant déserts, sans personne depuis le tremblement de terre de 1883. Des enfants moitié nus, bruns comme des caroubes, grouillaient dans la poussière tourbillonnante. Au hasard du passage, on découvrait une verdumara, une vendeuse de légumes, trônant sur des salades et de l’index vidant un lapin, un barbier en train de raser un prêtre dont il pince le nez, coude en l’air, des tonneliers vidant une cruche de spumante, une femme sur le pas de sa porte en plein soleil violent, une femme entourée de marmots, tête nue, qu’elle inspecte, claquant de l’ongle à chaque pou.