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d’eau salée, d’herbe sèche et de jasmin embaumait l’ombre. Des feux de Bengale tout à coup s’embrasèrent, projetant les vignes en découpures chinoises sur leurs vibrantes pourpres. Gérard et Muriel continuèrent, et bientôt arrivèrent sur les contreforts du dernier plateau couverts de jeunes gens mêlés faisant ripaille, égrenant les Ave et les per Bacco ! Et soudain, comme Gérard avait réussi à se frayer un passage pour arriver à l’ermitage, il découvrit la côte de Salerno qui s’enfonçait au loin, estompant ses Golfes et ses promontoires comme dans un fond de Léonard.

Une énorme lune surgissait, pareille à une orange ; elle éclaboussait déjà l’eau, en y creusant un puits soufré. Or, juste au moment où le sculpteur regardait, un voilier passa, un grand brick aux larges voiles, noires contre la lune, et sur lequel il semblait n’y avoir personne. Il se dirigeait vers la pleine mer, et malgré qu’on eût pu les entendre à cette altitude de trois cents mètres, pas un appel, pas un cri… Le sculpteur eût l’impression de contempler un fantôme et détourna les yeux vers la fête…

La fête !… Elle battait son plein à présent que les outres vidées et que les plats nets roulaient, jetés à coups de pieds dans les bruyères et les térébinthes