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Pris d’une savoureuse passivité mystique en face des vingt-quatre heures qui les séparaient encore de l’inconnu, Gérard et Muriel suivaient la foule en pèlerinage, un cierge brûlant à la main. On allait offrir les dons de l’été à la Vierge. Sous la coupole de lapis du ciel, l’équinoxe accablait. Ils se trouvaient au milieu des porteurs de prémisses, et dans les paniers de jonc tressé où des rubans faisaient fuser leurs couleurs vives, les premières grappes, d’un vert acide, les figues, juteuses, dans la blessure rouge desquelles fouaillaient des guêpes au corselet mobile, les cactus hérissés et vineux, les sorbes en tumeurs de pourpre, s’entassaient. Sur une sorte de tréteau de boucher que quatre ragazzi vigoureux et langoureux à la fois portaient, des pièces de viande saignaient leur jus frais et cru au soleil. Enfin d’autres adorateurs s’étaient munis de jarres d’huile dont les flancs de terre cuite s’adornaient de scènes de la passion. Tout cela montait vers la grotte, où la Madone, copiée de Lourdes, trônait. Et lentement, répercutés par l’écho valkyrien des montagnes, les hymnes nasillards se continuaient, mêlés au bruit des pas traînards dans la poussière, des rires aussi, et des exclamations paillardes que les ivrognes lâchaient à la queue du cortège.

Après de longues haltes aux reposoirs élevés le