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toi, tu n’as donc eu personne ?… J’ai payé assez cher ma passion !

Dans le silence soudain revenu, Maleine évoqua Muriel Lawthorn. Pourrait-il prétendre au rôle de juge ou d’accusateur quand demain peut-être il pourrait se trouver jugé ou accusé avec Muriel ? À cette pensée il eût un doute. Non, en tout cas, s’il choisissait telle sa destinée, il se rappellerait Nelly, son misérable esclavage, et il aimerait Muriel maintenant pauvre, il l’épouserait, il en ferait une compagne pour la vie, sûre, dévouée, reconnaissante… Elle ressusciterait l’âme antique… elle serait la statue aimée…

— Allons ! mon vieux Gérard ! dis-moi adieu ! trancha Nelly. Pense à moi quelquefois, et rappelle-toi, qu’au fond, ta sœur n’était pas méchante. Protège Marthe ; si plus tard, sur mon compte, tu en entends de pires encore, réfléchis ; souviens-toi ; ce seront les hommes et les événements qui m’auront faite pire.

— Si on pouvait te sauver encore, Nelly !…

— À quoi bon ? un poète l’a déjà dit : Il n’y a ici d’autre plaisir que la débauche, d’autre peine que la mort.