Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
MESSES NOIRES

béret svelte des birbantes. Il était ravissant ainsi. L’emprise claire de la ceinture moulait sa taille souple et le rendait plus désirable… Sa gorge nue et frêle montrait en des lignes admirables de fraîcheur, les attaches de sa tête juvénile et fière. Et, terminant sa silhouette d’un fuseau souple, ses cuisses nerveuses et ses jambes fines apparaissaient sous l’étoffe du pantalon étroit qui révélait jusqu’au sexe. D’Herserange, hypnotisé, regardait cela. C’était manifeste : il s’engageait une lutte terrible chez cet homme entre le lapin de garenne et le lapin de choux. Et c’était le bouc qui l’emportait.

Il se leva très raide avec des tremblements dans la voix : Dieu, que vous êtes charmant ainsi ! Lyllian, coquettement avait été s’appuyer contre la fenêtre ouverte, qui donnait sur le crépuscule et sur la mer. Le jour avait disparu et ce n’était pas la nuit encore. Une incertitude exquise planait, mêlée à la poésie triste des soirs. Les teintes n’avaient plus leur réalité habituelle. C’est ainsi que la figure de Lyllian sous le béret des gondoliers était d’une nacre translucide et d’un mauve inquiétant, tandis que son cou, vivant émail, s’illuminait de lueurs pourpres, reflets du couchant en feu.

— Comme vous êtes joli… Je comprends qu’on vous aime… J’ai entendu M. d’Alsace raconter votre histoire. Vous êtes à plaindre et à aimer… M. della Robbia m’a parlé de Skilde, le grand poète, votre ami… Excusez-moi, ajoutait-il, peureux d’avoir gaffé. Mais un geste le rassurait. M. Skilde, le grand poète, votre ami… Y pensez-vous quelques fois ?

— Jamais, répondit Lyllian dans l’ombre.

D’Herserange, égaré, n’aperçut pas la flamme cruelle de ses yeux.