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LORD LYLLIAN

— Bonjour, mon prince… mélancolique, à ce que je crois. Vous êtes « peine de cœur » ?

— Tiens, d’Alsace, vous n’avez pas de toupet ! Entrer ici, comme au moulin…

— Très Sans Souci, je venais en passant constater l’adultère. Ça va depuis hier soir ?

— Oui, j’ai pris un remontant. Ça m’a donné la migraine, mais ça va mieux.

— Je sais : Notre Dame de la Cantharide et du Kola. À propos, si vous n’aviez pas été hier pochard comme vos ancêtres, Feanès voulait vous tuer.

— Pas possible ? Son bain alors ne lui a pas plu ? Il faudra que je fasse prendre des nouvelles, ajouta Lyllian avec un joli rire. Et sa citrouille de femme ?

— J’ignore… Hier elle ne les trouvait pas trop verts, vos raisins, mylord ; Mais j’ai des potins merveilleux. Le vieux Russe d’hier, chauve comme un billard et ridé comme une pomme, ce pauvre Skotieff est affolé.

— Ah mon Dieu ! ses dents de lait ?

— Non, son dernier béguin. Vous, mon petit, qui, avec votre air de rien et de tout, lui avez tellement énervé le système qu’il m’a pris pour confident…

— Oh, alors…

— Alors, il m’a demandé si j’avais le moyen ou les moyens…

— Tiens ! Il vous a pris pour une agence de placement ou pour un asile de nuit ?

— Les deux… Qu’est-ce qu’il faut lui dire, soupirait-il. Qu’est-ce qu’il faut lui donner ? Idéal, mon cher, il es idéal, ce petit lord. Est-ce qu’il marche ?

— Oh, d’Alsace !… J’espère bien que vous lui avez dit non.