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IX

« De la prison où ils m’ont jeté avec les faussaires, avec les voleurs, avec les misérables, je vous écris douloureusement comme si vous pensiez à moi, comme si vous m’aimiez encore… Sans me souvenir, petit enfant, des bonnes leçons que je vous faisais sur l’ingratitude, l’infamie et la lâcheté des hommes.

« La prison !… En vérité, j’ose regarder ce mot jeté à la hâte sur du papier, dans une fièvre mêlée de crainte, de persuasion et d’amour ; hélas ! et j’ose vous l’écrire !

« La prison !… j’ai pu, sans hésiter, en dater ma lettre, y situer mes rêves les plus caressants et les plus tristes, les rêves où vous m’apparaissez, malgré mon naufrage et malgré mes ruines, blond comme les madones, pardonnant plus qu’elles. La prison : ô souvenirs, cauchemars, vertige ! toutes les insultes et toutes les vermines ; toutes les ordures de basse fosse ! malgré cela, le croiriez-vous, j’ai tant souffert, j’ai tant souffert, que maintenant je subis ma torture sans regret et sans peine,