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MESSES NOIRES

de vierge perforée, ses émois, ses baisers. Il se sentait souillé vaguement par tout son être. Et qu’est-ce qu’elle lui avait raconté à ce souper dont le chloroforme était une frime, le gin l’ayant remplacé ?

Elle lui avait parlé de Skilde, Skilde, ce revenant implacable qui toujours se dressait sur sa route. Et puis l’ivresse était venue, la patronne oubliait ses devoirs, abandonnait ses clefs, dévoilait sa caisse. « Baisers, mon chéri ! je me marie avec toi et je suis riche… riche, tu sais… j’en ai assez connu de cochons, chez moi. Je veux être une lady à présent… très respectable… aime-moi… Ton haleine sent bon… je veux devenir une lady et être reçue chez la reine… »

Enfin elle reparlait de Skilde… son meilleur client, mais vraiment trop sans gêne, trop réclamier. Il finirait par se faire pincer… La loi est la loi… on peut faire tout ce qu’on veut pourvu qu’on se cache. Ici c’est très bien, les murs sont capitonnés. On peut violer des femmes… viole-moi, dis ! Sur quoi, lui, Lyllian, malgré le gin, avait éclaté de rire. Mais ce Skilde repartait le matin, plus gris que jamais et montait dans un cab, avec ses boys ou ses mineures… Pour sûr il se ferait pincer… Elle roulait sous la table.

Lyllian, amusé, tentait le sauvetage, amenait l’Égérie jusqu’à cette chambre, la déshabillait, la jetait nue et saoule sur les draps, puis la possédait ainsi, ravi de prostituer sa chair adorablement jeune à ces ruines… Et des spasmes et des gloussements, ah, la honte, ah, l’horreur !

Il détourna la tête ; ses regards se portèrent vers la rue… Du bruit, des brouillards, des puanteurs… Londres…