Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
LORD LYLLIAN

poseraient sans vergogne. Je te veux, tu me veux. Ça va-t-y ?… On pourrait répondre, ça ne va pas… Titre : La mutuelle du matelas…

— Eh bien, complimentait Fitz Roy, il y a beaucoup de gens qui ont leurs statues dans les villes du royaume et qui n’ont pas fait cette découverte-là. Invention géniale de l’altruisme le plus manifeste, une dîme humaine. Voilà Jinny’s Bar, Yarmouth n’est plus loin.

— Une dîme humaine ?

— Mais oui, ces dons en nature. Par exemple, il y aurait des épidermes récalcitrants.

— Bah ! on trouverait des remplaçants et des remplaçantes. Et puis au moins ça nous changerait du mensonge et de l’hypocrisie. Sonnez, nous y voilà !

Une porte honnête et familiale d’Edward Street : Depuis qu’ils étaient entrés dans cette rue, c’est à peine si un bar ou deux avaient rompu de leur devanture éclatante la file des maisons toutes pareilles, avec le même perron, les mêmes façades, les mêmes jardins. Lyllian ressonna après lord Carnavagh et des pas étouffés par d’épais tapis se rapprochèrent. On ouvrit un judas, puis, sur la mine des visiteurs, l’huis céda. Une bouffée d’air chaud, violemment parfumé, les saisit.

Ils entrèrent dans une sorte de hall aux tentures japonaises au milieu duquel la Yarmouth, pareille à une vieille quenelle peinte, souriait, en tourmentant un trousseau de clefs. De suite elle reconnut Fitz Roy.

— C’est gentil de m’avoir amené tant de monde, mon beau lord. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir vous offrir ? Deux petites gamines idéales, neuves, effarouchées, qui mordent comme de jeunes poulains, murmura-t-elle à demi-voix — et, s’approchant plus près :